Azéma, Ludovic (2024) Loi martiale et libertés à la Révolution. In : La liberté, études théologiques et juridiques Presses de l'Université Toulouse Capitole. Series “Collection droit et religions” Toulouse ISBN 978 2 36170 300 4

Full text not available from this repository.

Abstract

La loi martiale proclamée le 21 octobre 1789 est restée dans l’imaginaire comme la manifestation d’une violence disproportionnée qui de prime abord paraît avoir bien peu de rapport avec les libertés. C’est ainsi que Michelet pouvait se prononcer contre la loi martiale ou qu’Alphonse Aulard rappelait dans son Histoire politique de la Révolution française qu’elle profitait à « l’ordre bourgeois » . L’évènement immédiat, déclencheur de la riposte martiale, est l’accusation par la foule du boulanger François, qui avait refusé de vendre du pain, d’être un accapareur. La suite est bien connue, ce dernier finissant pendu, la tête coupée placée au bout d’une pique. Puis surtout, en réaction, le décret du 21 octobre 1789 proclama la loi martiale. Si cette proclamation a autant marqué les esprits, elle le doit au contexte particulier de son application, en tout cas, celui qui est resté dans les mémoires, la fusillade du champ de Mars du 17 juillet 1791. Les réactions furent vives puisque la presse et les pamphlets s’emparèrent de l’affaire, relevant des problèmes profonds, juridiques, mais aussi politiques. Au cœur, des questionnements, la légitimité des violences de la foule, la réaction des autorités, la peur du complot et d’une révolution en danger ou inversement la manifestation des méfaits de la Révolution cédant la place à l’anarchie. Encore, la place de la loi ou la consistance de la notion de peuple que l’on distingue des brigands ou de l’ennemi .
Si la situation est urgente, cette loi n’est pourtant pas une œuvre de circonstances puisque son adoption termine des débats anciens autour de la remise en cause de l’ordre économique de la France . Cette évolution était déjà en cours à la fin de l’ancien régime avec les tentatives de libéralisation du prix des grains et la volonté de renversement de la police de subsistance dont on connaît les conséquences : émeutes et refus d’obtempérer par les autorités de police elles-mêmes. Désormais, la Révolution était en marche et il fallait la maîtriser. La nuit du 4 août ou encore la Déclaration des droits de l’homme n’ont pas constitué des freins suffisants en la matière. La loi martiale, frein ultime de représentants de la nation en panique, doit être considérée avec la consécration de la lèse-nation comme autant d’instruments de substitution de la violence institutionnelle à la violence populaire .
Cette loi martiale, analysée comme une loi d’exception, bien que l’on puisse discuter du terme, a pour objectif de protéger la Révolution. Cette loi adoptée pour protéger l’ordre public libéral sera supprimée par la Convention nationale le 23 juin 1793 au nom de cette même liberté. Dès lors, l’ordre public libéral ne contient-il pas par essence des propositions antinomiques ? C’est toute la question de l’articulation délicate de l’ordre public et des libertés dans un régime libéral qui se pose immédiatement aux révolutionnaires.

Item Type: Book Section
Language: French
Date: 4 December 2024
Place of Publication: Toulouse
Subjects: A- DROIT > A2- Histoire du droit > A2-2- Histoire du droit et des institutions
Divisions: Centre toulousain d'histoire du droit et des idées politiques (Toulouse)
Site: UT1
Date Deposited: 13 Dec 2024 09:30
Last Modified: 13 Dec 2024 09:30
URI: https://publications.ut-capitole.fr/id/eprint/49938
View Item