Gau-Cabée, Caroline (2022) Histoire et jurisprudence de la chambre des requêtes (1790-1947). Les vicissitudes d’une chambre d’admission prétorienne. In : Deux siècles de jurisprudence : la Cour de cassation au service du droit et du justiciable Barthélemy, Jean, Galanopoulos, Philippe and Prétot, Xavier (eds.) Dalloz. Series “Thèmes Et Commentaires” Paris pp. 45-63. ISBN 978 2 24720 767 1

Abstract

Nul ne songe aujourd’hui à remettre en cause l’œuvre prétorienne de la Cour de cassation au XIXe siècle. Alors que nous parlons d’un temps qui n’a pas connu la spécialisation des chambres en matière civile, pourquoi traiter séparément le cas de la chambre des requêtes lorsqu’il s’agit d’évoquer les arrêts notables de la jurisprudence civile ?
L’ouvrage pionnier de Colin et Capitant qui réalise pour la première fois cet inventaire n’a jamais distingué, dans ses différentes éditions, les décisions de ces deux chambres. Il précise toutefois dans la préface de la première édition que les arrêts de la chambre civile ont plus de poids, car ils ont été rendus après un double examen de la Cour de cassation, et il ajoute que parfois il se manifeste une dissidence d’interprétation entre les deux chambres.
Ce qui nous renvoie à une question centrale : celle du statut de la chambre des requêtes et de l’autorité de ses décisions. Et bien que sa légitimité à « faire jurisprudence » ne soit plus contestée aujourd’hui, il n’en a pas toujours été ainsi. C’est précisément la raison pour laquelle il est important d’envisager séparément le cas de cette chambre, lorsqu’on étudie la production jurisprudentielle civile de la Cour au temps des trois chambres.
Il ne s’agit pas de discuter la portée normative de ses arrêts, dont certains sont incontestablement devenus emblématiques, mais plutôt de mettre en perspective cette jurisprudence en rappelant que les décisions de la chambre des requêtes sont indissociables d’un contexte : celui d’une prise de pouvoir contestée, consécutive au dévoiement de son office. En effet, telle qu’elle a été pensée par les Constituants en 1790, dans le cadre de sa mission de filtrage, elle n’a rien d’une formation de jugement. Et pourtant elle a fini par s’imposer en rivale de la chambre civile.
Aussi, pour comprendre cette mutation décisive, ce coup d’état judiciaire et les tensions qu’il a suscitées, mais également pour prendre la mesure des décisions de cette chambre, évaluer leur autorité à l’aune de leur réception, c’est l’histoire de la chambre des requêtes qu’il faut convoquer.
Elle peut se décliner en trois temps qui constitueront les grands axes de cette étude : la mission originelle de l’organe des requêtes (I), la réalité de son office, stigmatisé par ses contempteurs qui réclament périodiquement sa disparition (II), sa jurisprudence enfin qui, par quelques décisions emblématiques à la fin du XIXe et au début du XXe siècle a occulté divergences et rivalités contre-nature, forgé sa légitimité et pérennisé son statut de chambre d’admission prétorienne (III).