Picod, Nathalie
(2023)
La régulation des comportements par le droit de la consommation à l’aune des préoccupations environnementales.
In : Mélanges en l'honneur d'Yves Picod : La loyauté en droit économique
Lefebvre Dalloz.
Paris La Défense
ISBN 9782247223503
Abstract
Les rapports successifs du Groupe d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) nous alertent régulièrement sur la situation liée à ce dernier. Ce réchauffement anthropique – d’origine humaine – a des incidences de plus en plus fortes sur l’ensemble des activités de l’être humain. Les enjeux dépassent largement le cadre national et s’inscrivent dans une perspective mondiale à laquelle le droit de l’Union européenne n’est pas étranger. En France, les pouvoirs publics et les acteurs économiques s’organisent pour combattre ce changement climatique et s’y adapter. Le droit de l’environnement n’est pas le seul sollicité, le législateur n’hésitant pas à orienter le droit de la consommation, au point que la multiplication et l’imbrication de textes transversaux donnent le vertige. Le nouveau dispositif donne aussi parfois la sensation de précipitation, illustrée par les nombreux bégaiements d’un texte à l’autre, sans compter des retouches incessantes qui confinent au perfectionnisme, le mieux étant souvent l’ennemi du bien…
De la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, dite loi Royal, à la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience, dite Climat et Résilience du 22 août 2021, issue des propositions de la Convention citoyenne sur le climat, le changement climatique est au cœur d’une mutation du monde économique et des modèles comportementaux. Déjà, la loi Hamon du 17 mars 2014 relative à la consommation avait intégré ces évolutions, notamment à travers ses dispositions sur la garantie des produits et la disponibilité des pièces détachées ou ses tentatives expérimentales d’introduire en droit français la notion de valeur d’usage visant à faire payer au consommateur la fonctionnalité des produits qu’il utilise et non leur propriété. Cette politique s’inscrit dans la recherche d’une économie circulaire, fondée sur une consommation sobre et responsable des ressources naturelles ou des matières premières primaires ainsi que sur la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et une réutilisation, un recyclage ou, à défaut, une valorisation des déchets. Elle contraste avec le modèle traditionnel de l’économie linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter. Cette transition s’inscrit dans l’agenda politique de nombreux pays, comme en témoignent la loi américaine de 2022 sur le climat (Inflation Reduction Act) et le pacte vert pour l’Europe.
En matière de lutte contre le gaspillage, la loi Royal du 17 août 2015 et la loi Egalim 1 du 30 octobre 2018 ont posé les premières pierres. Mais surtout, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite AGEC) – "porteuse d’une grande ambition" et cherchant à influencer les comportements des consommateurs – entend accélérer le changement des modèles de production et de consommation afin de réduire les déchets et de préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. Elle promeut le recyclage et la réparation, s’inscrivant ainsi dans une économie circulaire plutôt que linéaire.
Postérieurement à la loi AGEC, plusieurs textes suivent la même approche convergente entre les intérêts écologiques et la protection du consommateur. Ainsi, l’ordonnance du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques – laquelle ouvre considérablement le champ de la garantie de conformité et en redéfinit le régime – intègre la dimension environnementale en agissant indirectement sur la durabilité des produits et en promouvant leur réparation. Partant d’une approche écologique, la loi du 15 novembre 2021 – visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (loi REEN) – entend orienter le comportement de tous les acteurs du numérique, qu’il s’agisse des consommateurs, des professionnels du secteur ou encore des acteurs publics. Elle contient en ce sens toute une panoplie de mesures destinées à garantir le développement en France d’un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux.
On a ainsi assisté, au cours de ces sept dernières années, à une montée en puissance du couple environnement/consommation, le législateur souhaitant réguler les comportements des acteurs économiques à des fins de politique environnementale, non seulement à travers le droit de l’environnement proprement dit, mais aussi en instrumentalisant le droit de la consommation.
C’est donc tantôt sur le professionnel, tantôt sur le consommateur, que les pouvoirs publics agissent à des fins environnementales, pour modeler leurs comportements. Le plus souvent, ils agissent sur le professionnel en l’obligeant à informer le consommateur à adopter des pratiques durables et vertueuses. Il s’agit là de l’angle habituel et classique du droit de la consommation : celui de l’aggravation du contenu obligationnel des professionnels, destiné à rétablir un certain équilibre dans les rapports de consommation en faveur du plus faible. Mais une démarche plus récente et novatrice consiste à agir plus directement sur le consommateur en l’incitant à avoir un comportement vertueux et responsable au regard des préoccupations environnementales. Cela confirme l’idée selon laquelle le consommateur est surtout protégé en raison de sa fonction dans les échanges économiques. Il a été à ce titre observé que "la protection de la partie faible n’intervient plus comme celle d’un individu, mais au nom d’un intérêt collectif : celui du bon fonctionnement du marché". Or, ce dernier vise à satisfaire de plus en plus aujourd’hui les préoccupations de politique environnementale, au-delà des profits ou satisfactions qu’en tirent ses acteurs. On sait que l’article 11 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) et l’article 37 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne imposent que la protection de l’environnement et le développement durable soient intégrés dans les politiques de l’Union.
À ce titre, la loi Climat et Résilience ainsi que les textes environnants constituent un dispositif à double détente, même si ce qui peut être analysé sous le prisme d’une incitation à l’égard du consommateur peut se traduire en amont par une obligation du professionnel.
En tout état de cause, il s’agit, dans cette étude, de mesurer l’effectivité régulatrice du droit de la consommation – à l’aune des préoccupations environnementales – en ce qui concerne tout à la fois les pratiques des professionnels et le comportement des consommateurs.
Item Type: | Book Section |
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Language: | French |
Date: | 1 December 2023 |
Place of Publication: | Paris La Défense |
Keywords (French): | Consommateur, Environnement, Economie circulaire, Sobriété énergétique, Consommation responsable, Allégations environnementales trompeuses |
Subjects: | A- DROIT > A4- Droit privé > 4-1- Droit civil A- DROIT > A4- Droit privé > 4-10- Droit de l’environnement A- DROIT > A4- Droit privé > 4-2- Droit des affaires – droit commercial |
Divisions: | Centre de Droit des Affaires (Toulouse) |
Site: | UT1 |
Date Deposited: | 18 Mar 2025 10:57 |
Last Modified: | 18 Mar 2025 10:59 |
URI: | https://publications.ut-capitole.fr/id/eprint/50628 |