Accarion, Eddy (2023) La personnalité juridique en droit pénal et en droit civil : Essai d'une théorie générale. École doctorale Droit et Science Politique (Toulouse).
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Abstract
La personnalité juridique est certainement la notion la plus fondamentale du Droit. Non moins pénale que civile, elle permet notamment de se réserver les biens, d'accomplir des actes juridiques, d'agir en justice et d'engager sa responsabilité. Elle pourvoit le Droit de ses sujets – et ce faisant, la scène juridique de ses acteurs. L'essence de la personnalité juridique est fréquemment décrite par la doctrine en termes de capacité ou d'aptitude à être titulaire de droits et redevable d'obligations. Cette présentation est néanmoins insatisfaisante car techniquement imprécise. En effet, les droits et les obligations supportent chacun une dualité de nature rendant incongrue leur réunion sous un même vocable : certains droits sont des biens et d'autres des prérogatives fondamentales ; certaines obligations naissent de l'activité juridique d'un propriétaire et d'autres, de faits juridiques infractionnels ou dommageables. Rénovée à la croisée du droit pénal et du droit civil, l'essence de la personnalité juridique peut être plus justement définie par la réunion de l'aptitude à la liberté et de l'aptitude à la responsabilité. D'une part, la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui n'est pas interdit. Elle comprend une aptitude à la propriété, qui confère une emprise exclusive sur les biens, en ce compris les droits réels et personnels, et une aptitude à la sûreté, qui modère par la reconnaissance de droits fondamentaux les contraintes susceptibles d'être édictées par l'État. D'autre part, la responsabilité oblige à répondre de ses faits juridiques. Elle comprend une aptitude à la transgression des limites ponctuellement admises par la liberté, et une aptitude à subir la sanction que la loi y attache. L'existence de la personnalité juridique se manifeste sous deux formes que sont la personnalité physique et la personnalité morale. L'une a pour socle un être humain né vivant et viable, et l'autre une activité humaine, généralement collective. Malgré cette importante différence, les conditions d'acquisition de la personnalité physique et de la personnalité morale peuvent être exprimées en des termes génériques. En effet, la personnalité juridique récompense toujours une vocation pré-juridique aux rapports de droit et à l'autonomie, dont l'absence explique notamment l'inopportunité de la personnification des animaux et de l'environnement. L'étude des frontières existentielles de la personnalité juridique révèle en outre que la notion de personne humaine, à laquelle se réfère notamment le Livre II du Code pénal, est indissociable de la personnalité physique, dont elle désigne simplement le support en situation de protection. Il n'existe donc pas de personne en droit pénal qui n'en soit pas également une pour le reste du Droit. En revanche, l'extinction de la personnalité juridique est bien le théâtre de difficultés propres au droit pénal, dont la plus grave illustration est portée par un arrêt du 25 novembre 2020 par lequel la chambre criminelle de la Cour de cassation a admis que la fusion-absorption entraine la continuation de l'existence et de la responsabilité de la personne morale absorbée au sein de la personne morale absorbante. Cette décision, qui contrarie autant la notion de personne juridique que les principes directeurs du droit pénal, doit être radicalement rejetée : la personnalité juridique s'acquiert et se perd mais ne se transmet pas, tandis que la responsabilité pénale n'est pas une dette ordinaire, appelée à suivre le sort du patrimoine. En somme, la personnalité juridique accuse une triple unité : matérielle d'abord, en ce qu'elle aussi bien pénale que civile ; générique ensuite, à raison du fait que les personnes physiques et les personnes morales répondent aux mêmes conditions existentielles et disposent des mêmes aptitudes ; constitutive enfin, car la liberté et la responsabilité, attributs de la personnalité juridique, sont indissociables, de sorte que des personnes incomplètes ne sauraient exister.
,The legal personality is undoubtedly the most fundamental concept in law. Equally relevant in criminal and civil contexts, it allows individuals to own property, perform legal acts, litigate, and assume legal responsibilities. It provides the law with its subjects – and thereby, shapes the legal stage and its players. The essence of legal personality is often described by scholars in terms of capacity or the ability to hold rights and bear obligations. However, this presentation is unsatisfactory due to its technical imprecision. Indeed, rights and obligations each encompass a duality of nature, making their combination under a single term incongruous : certain rights are properties, while others are fundamental prerogatives ; some obligations arise from a legal owner's activity, while others stem from infringing or harmful legal events. Reconsidered at the intersection of criminal and civil law, the essence of legal personality can be more accurately defined as the union of the ability to freedom and the ability to responsibility. On one hand, freedom is the capacity to do anything not prohibited. It includes the ability to own property, which grants exclusive control over assets, including real and personal rights, and the ability to security, which moderates state-imposed constraints through the recognition of fundamental rights. On the other hand, responsibility entails being accountable for one's legal actions. It involves the ability to transgress the limits occasionally allowed by freedom and the ability to face the sanctions prescribed by the law for such transgressions. Legal personality manifests in two forms : physical personality and moral personality. The former is based on a living and viable human being, while the latter originates from human activity, generally collective. Despite this significant difference, the conditions for acquiring physical and moral personality can be expressed in generic terms. Legal personality always rewards a pre-legal vocation to legal relationships and autonomy. The absence of this vocation explains the inappropriateness of personifying animals and the environment. The study of the existential boundaries of legal personality also reveals that the concept of a human person, referred to in the Criminal Code, is inseparable from physical personality, indicating its support in situations of protection. There is no legal person in criminal law who is not also a legal person in the rest of the law. However, the extinction of legal personality poses unique challenges in criminal law, exemplified by a decision on November 25, 2020, where the criminal chamber of the Court of Cassation allowed the continuation of the existence and responsibility of the absorbed legal entity within the absorbing legal entity after a merger. This decision contradicts the notion of legal personality and the guiding principles of criminal law and must be categorically rejected : legal personality can be acquired and lost but does not transfer, and criminal responsibility is not an ordinary debt, destined to follow the fate of assets. In summary, legal personality demonstrates a triple unity : first, a material unity, as it applies both in criminal and civil contexts ; second, generic unity, as both natural persons and legal entities meet the same existential conditions and possess the same abilities ; and third, constitutive unity, because freedom and responsibility, attributes of legal personality, are inseparable, meaning incomplete individuals cannot exist.
Item Type: | Thesis (UNSPECIFIED) |
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Other titles: | The legal personality in criminal law and civil law : Essay of a general theory |
Language: | French |
Date: | 24 November 2023 |
Keywords (French): | Personnes (droit), Personnes morales |
Subjects: | A- DROIT > A4- Droit privé |
Divisions: | Institut des Études Juridiques de l'Urbanisme et de la Construction (Toulouse) |
Ecole doctorale: | École doctorale Droit et Science Politique (Toulouse) |
Site: | UT1 |
Date Deposited: | 17 Dec 2024 14:05 |
Last Modified: | 17 Dec 2024 14:05 |
URI: | https://publications.ut-capitole.fr/id/eprint/49969 |