Sourzat, Lucie (2019) Le contrat administratif résilient. Collection « Thèses-Bibliothèque de Droit Public ». LGDJ Paris ISBN 9782275064406

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Abstract

Le choix de ce sujet de thèse est le fruit du constat selon lequel, depuis quelques années, le contrat administratif subit l’influence grandissante des principes fondamentaux relevant de l’ordre public concurrentiel, ce notamment depuis la récente réforme du droit de la commande publique. L’on assiste par ailleurs à un certain désordre normatif ainsi qu’à une modification du contexte économique. L’ensemble de ces facteurs est susceptible de menacer la stabilité du contrat. Or ce type de contrat présente aussi la particularité d’être le support du développement de réseaux et d’infrastructures véhiculant des services essentiels aux administrés. Le contrat administratif doit donc pouvoir faire face aux différents aléas susceptibles de venir perturber son exécution voire son existence. Sa stabilité apparaît d’autant plus cruciale que, comme énoncé par la Commission européenne, la commande publique s’élève à hauteur de 14% du Produit Intérieur Brut de l’Union européenne et représente « une part non négligeable des investissements publics dans notre économie ».
Un tel contexte nous a conduit à nous intéresser plus spécifiquement au concept de « résilience ». Celui-ci peut être défini comme une adaptation réussie en dépit du risque et de l’adversité. Il s’agit donc de la capacité d’un système à poursuivre sa mission malgré la survenance d’un aléa. L’originalité de notre travail est de tenter de conférer au concept de résilience, qui n’est au premier abord pas juridique, une véritable place au sein de la sphère du Droit et plus particulièrement du Droit public. En effet si le concept de résilience connaît une notoriété certaine dans le domaine des sciences du cerveau, de la physique et de la sociologie, la doctrine juridique ne s’y est jusqu’à présent que peu intéressée. Certes on l’aperçoit parfois en droit pénal, procédure pénale et dans les sciences criminelles ou encore en droit international, social et spatial. Mais la doctrine publiciste pourrait accorder une plus grande place à un tel concept en son sein. Il s’agit moins de combler une lacune que de contribuer incidemment à révéler l’évolution contemporaine du contrat administratif dans un contexte dominé par une grande diversité d’aléas et un besoin simultané de sécurisation pour les raisons évoquées ab initio.
Il est alors rapidement apparu qu’une approche large mais néanmoins structurée des aléas susceptibles de remettre en cause l’exécution du contrat administratif devait être retenue. Même s’il peut nous être opposé que certains auteurs du Droit public se sont déjà intéressés à la question du contrat face au risque, notre approche s’en distingue sur plusieurs points. Tout d’abord le renouvellement des mécanismes visant à faire du contrat administratif un contrat plus stable face à la diversité des aléas identifiés ainsi que leur impact sur la nature même du contrat administratif nous a semblé particulièrement intéressant et novateur. Ensuite parce que la notion d’aléa est difficilement saisissable, nous avons dû en dessiner précisément les contours et sélectionner plusieurs catégories d’aléas qui n’avaient pas été spécifiquement étudiés en droit des contrats administratifs. Notre distinction entre « l’aléa juridique » et « l’aléa contentieux » répond à cet objectif. Enfin n’oublions pas que la question de l’aléa devait surtout être abordée du point de vue de la résilience. L’identification des quatre critères cumulatifs permettant de confirmer la présence d’un « contrat administratif résilient » face à la contingence nous a conduit à devoir faire des choix impliquant de prendre en compte uniquement des aléas susceptibles d’être plus ou moins directement gérés par les – futures – parties au contrat. D’ailleurs si l’une des difficultés a résidé dans le fait d’identifier ces aléas, une autre s’est manifestée lors de la sélection des critères principaux de la résilience. En effet tout en devant correspondre aux grands axes de la recherche, ces derniers ne devaient trahir ni la définition scientifique de la résilience, ni la nature profondément juridique de la thèse.
Finalement il s’est agi de mesurer la capacité du contrat administratif à faire face à la survenance d’aléas dont la réalisation est par définition incertaine et de vérifier simultanément l’hypothèse de l’émergence d’un concept inédit de « contrat administratif résilient ».
Parallèlement à cela, il a aussi été question de déterminer dans quelle mesure l’émergence d’un tel concept participe non seulement à sécuriser le contrat mais encore à atténuer sa singularité.
Afin de répondre à cette question, la thèse repose sur une hypothèse que l’on a posée et que l’on a cherchée à démontrer : le contrat administratif est résilient sans doute plus que ne l’est un contrat de droit privé. À l’aide de la méthodologie hypothético-déductive, la présente recherche applique au contrat administratif les quatre critères de la résilience à savoir : l’adaptation, la résistance, l’anticipation et l’assimilation de l’aléa.
Ainsi notre plan s’articule autour de deux parties. La première partie analyse la réponse du contrat administratif à un aléa survenu. Pour cela nous avons fait le choix d’appliquer les deux premiers critères de la résilience, à savoir l’adaptation et la résistance à l’aléa. Concernant le premier critère, c’est à travers le prisme plus spécifique des aléas prévisibles et imprévisibles que nous avons choisi de vérifier l’hypothèse sus-évoquée. Si le contrat administratif s’adapte en quelque sorte spontanément à l’aléa, c’est parce que depuis plus d’un siècle, avec l’aide du juge administratif, il incorpore des mécanismes, souvent d’ordre public, permettant sa modification. Toutefois, le respect de plus en plus strict des principes concurrentiels encore renforcé par les directives européennes du 26 février 2014 transposées dans notre droit interne en 2015 et en 2016 puis codifiées au sein du nouveau Code de la commande publique entré en vigueur le 1er avril 2019 semble réduire considérablement le champ de la modification. Quant au critère de la résistance, le risque de perturbation de la relation contractuelle soit en raison d’une application incertaine de la règle de droit – l’aléa juridique – soit en raison de la prolifération des modes de contestation du contrat – l’aléa contentieux – se trouve être source d’insécurité juridique. Si l’entreprise du juge administratif pour faire résister le contrat en assurant un meilleur équilibre entre sa légalité et sa stabilité doit être saluée, la thèse démontre que le contexte juridico-économique limite ses efforts. Nous pensons notamment aux partenaires frileux de l’Administration. Mais parce que la résilience développe une nouvelle forme de pratique basée aussi sur la prévention, doivent alors être analysés ses deux autres critères à savoir l’anticipation et l’assimilation de l’aléa le plus en amont possible de la signature du contrat. C’est l’objectif de la deuxième partie de la thèse. En effet il nous a semblé que le contrat administratif peut être véritablement résilient parce qu’il évolue dans un environnement mieux réglementé. Le législateur et le pouvoir réglementaire prennent alors en grande partie le relais du juge administratif. On ne gère plus seulement les conséquences des événements qui peuvent affecter l’exécution ou l’existence du contrat, mais on cherche à les anticiper et à les assimiler au stade le plus embryonnaire possible de sa formation. Ainsi la modification potentielle du contrat se trouve anticipée en conditionnant le choix du type de contrat, de procédure ou encore de contenu contractuel. Quant aux aléas juridiques et contentieux, ces derniers se trouvent désormais pris en compte au sein même de la règle de droit s’efforçant d’être plus claire, plus stable et plus cohérente, notamment au regard du Droit dérivé de l’Union européenne.
La règle de droit doit en outre être mieux à même de garantir une relation financière plus sûre entre les parties dont la relation contractuelle se trouve sur le point de commencer.
Ainsi sans disparaître pour autant, ce qui faisait l’essence du contrat administratif lors de sa réponse à l’aléa, comme notamment le principe de mutabilité ou encore les théories de l’imprévision ou des sujétions imprévues, montre peu à peu ses limites voire ses faiblesses. En revanche, et c’est le résultat final de la démonstration présente au sein de notre thèse, leur complémentarité avec les techniques visant à prévenir la survenance d’un aléa révèle non seulement la satisfaction des quatre critères de la résilience, mais aussi l’émergence d’un nouveau concept de « contrat administratif résilient » plus proche du contrat de droit commun et préfigurant peut-être le contrat résilient de demain.

Item Type: Book
Language: French
Date: 5 February 2019
Place of Publication: Paris
Subjects: A- DROIT
A- DROIT > A3- Droit public
Divisions: Institut du Droit de l'Espace, des Territoires, de la Culture et de la Communication (Toulouse)
Site: UT1
Date Deposited: 26 Apr 2022 13:30
Last Modified: 26 Apr 2022 13:31
URI: https://publications.ut-capitole.fr/id/eprint/45240
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