%S Colloques %A Nathalie Picod %T Le droit français des entreprises en difficulté et l’imprévision %X L’introduction par la réforme française du droit des contrats du nouvel article 1195 dans le Code civil a mis fin au rejet ancestral par la jurisprudence judiciaire de la théorie de l’imprévision. Désormais, son traitement est encadré par un mécanisme progressif, prophylactique, entre renégociation amiable et intervention judiciaire, cette dernière étant l’ "ultimum subsidium". Or, bien avant l’ordonnance du 10 février 2016, sous le règne de la jurisprudence Canal de Craponne, le droit des procédures collectives avait reconnu à sa manière la possibilité d’un traitement de l’imprévision, par l’intermédiaire de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, procédure de nature préventive. Selon l’article L. 620-1 du Code de commerce, "il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur (…) qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif". On se rapproche de l’article 1195 du Code civil, selon lequel si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. Cette « restructuration d’un contrat en difficulté » ne se confond pas a priori avec la « restructuration d’un patrimoine en difficulté » qu’organise le Livre VI du Code de commerce : telle pourrait être la ligne de partage entre le nouveau droit commun des contrats et le droit spécial des procédures collectives. En droit commun, il ne s’agit pas de restructurer l’entreprise, mais de réviser un contrat déséquilibré. Ce sont deux approches différentes : l’une à travers l’entreprise, l’autre à travers le contrat. Pourtant, il y a bien là un point de rencontre entre les deux domaines… Par ailleurs, si le droit des entreprises en difficulté converge avec la théorie de l’imprévision à sa manière, le premier a servi plus directement de bouclier pour faire face spécifiquement à la crise sanitaire, c’est-à-dire à la situation d’imprévision qu’elle a générée, à travers les ordonnances COVID (notamment celle du 20 mai 2020) et leurs mesures d’adaptation. On a assisté ici à une montée en puissance du droit des entreprises en difficulté à travers un arsenal de mesures destinées à juguler directement les effets de la crise, ces mesures ayant anticipé l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du Livre VI du Code de commerce. Ainsi, d’une part, les procédures préventives peuvent être le point de rencontre entre le droit des entreprises en difficulté et la théorie de l’imprévision. Mais d’autre part, le droit des entreprises en difficulté lui- même, à travers l’ordonnance COVID du 20 mai 2020, a été une réponse à la situation d’imprévision générée par la crise sanitaire, se révélant ainsi comme une alternative à la théorie de l’imprévision. %P 81-94 %B L'imprévision et le nouveau droit des obligations %E Yves Picod %E Albert Ruda Gonzalez %C Paris %D 2024 %I Société de Législation Comparée (SLC) %L publications50597